" Je remerciai le ministre et nous partîmes de suite pour nous rendre chez le général Davout qui était colonel-général des grenadiers à pied. Il nous reçut très bien. " Vous m’amenez un sapeur qui a une belle barbe. - Je voudrais le garder dans ma compagnie, lui dit mon capitaine Renard. Il a un fusil d’honneur. - Mais il est bien petit. " Il me fit mettre à côté de lui : " Tu n’as pas la taille pour les grenadiers. - Je désirais le garder, mon général. - Eh bien, il faut tromper la toise. Quand il passera sous la toise, tu lui feras mettre des jeux de cartes dans ses bas. Voyons cela, dit-il, il lui manque 6 lignes...Eh bien ! tu vois qu’avec 2 jeux sous chaque pied, il aura six pouces et tu l’accompagneras. - Ah ! certainement, mon général. - S’il est accepté, ce sera le plus petit de mes grenadiers. " (p. 86-87)
" Le maréchal Davout avec 60 000 hommes tenait la droite de l’armée avec le prince Eugène et marchait sur un village qui est le long du bras du Danube. Et derrière ce village se trouvait un dôme couvert en ardoise et là, se trouvaient des masses de cavalerie et d’infanterie. Le maréchal fait lancer des obus qui tombent dans les masses et les force de quitter leur position et [de] se mettre à découvert devant le corps du maréchal qui les charge à la baïonnette, s’empare des hauteurs et leur coupe la route de la Hongrie. Etant maître de cette belle hauteur, [il] les renverse sur nous et file avec son corps sur le grand plateau. Il braque son artillerie sur les colonnes autrichiennes et ses boulets venaient tomber dans des bas-fonds où les Autrichiens se trouvaient entre deux feux. Et l’empereur voyait le maréchal lui faire face ; il n’hésita pas à faire partir dix mille cuirassiers dans une seule masse, pour enfoncer leur centre. Cette masse s’ébranle et passe devant nous ; la terre tremblait sous nos pieds et ils fondirent sur l’ennemi et ramenèrent cinquante pièces de canon, toutes attelées et des prisonniers. Le prince de Beauharnais arrive au galop vers l’Empereur lui apprendre que toutes les routes étaient à notre pouvoir et que la victoire était certaine. L’Empereur embrasse son fils et lui dit : " Pars, dis au maréchal que je fais faire un changement de front de suite à toute mon armée pour renverser leur armée sur la Bohême. " Ce changement de front, l’aile droite en avant, fit un mouvement extraordinaire ; notre aile gauche en arrière comme une retraite. Et ce changement fait, toutes les colonnes avancèrent en avant et l’Empereur demanda sa peau d’ours pour se reposer. Et la victoire était complète de toutes parts". (Wagram, p.177)
" L’Empereur donna un peu de repos à son armée et donna l’ordre au maréchal Davout de se porter en avant avec le prince Murat, pour se porter sur Gloubokoié. Pour sortir de Vilna, vous vous trouvez dans des forêts immenses qu’il faut fouiller [de] crainte de quelque embûche de la part de l’ennemi ; et une armée ne peut marcher qu’à pas comptés, crainte d’être coupée. C’est une faute que commit le maréchal Davout ; je reviendrai à ce sujet. " (Campagne de Russie, p.212)
" L’Empereur passa la Bérézina à une heure de l’après-midi et alla établir son quartier général dans le petit hameau de Zaniwski. Le passage de la rivière continua dans la nuit du 27 au 28. L’Empereur, avant de passer le pont de droite, fit appeler le maréchal Davout et je fus nommé pour accompagner le maréchal pour garder la tête du pont pour ne laisser passer que l’artillerie et les munitions, le maréchal à droite et moi à gauche. Lorsque tout le matériel fut passé, le maréchal me dit : " Allons, mon brave ! Tout est passé, allons rejoindre l’Empereur. " (La Bérézina, p.239 )
" Et lui, roi de Naples, il avait 20 à 30 chevaux de relais, et tous les matins il partait avec un cheval frais. Aussi c’était le plus beau cavalier d’Europe, mais sans prévoyance pour sa cavalerie. Il ne s’agit pas d’être un intrépide soldat, il faut ménager ses ressources pour le lendemain. Il nous fit - de l’aveu de mes supérieurs ( je l’ai entendu dire au maréchal Davout ) - la perte de 40 000 chevaux, de sa faute." ( La retraite, p. 244)
" Nous arrivâmes aux portes de Paris, à la barrière Saint-Denis. Toutes les barrières étaient barricadées ; l’on campait les troupes dans la plaine des Vertus et aux Buttes Chaumont, et le quartier général au village de la Villette où le maréchal Davout s’établit ; il était ministre de la guerre, général en chef de l’armée, enfin il était tout ; il gouvernait, on peut le dire, la France avec son ami Fouché ; de pareils hommes nous ont perdus ! " (Waterloo, p. 302)
" L’on voyait ce grand maréchal derrière ses batteries, les bras derrière le dos, bien soucieux ; personne ne lui parlait. Ce n’était plus ce grand guerrier que j’avais vu naguère sur le champ de bataille, si brillant comme à Tilsit défiler devant l’Empereur de Russie et le roi de Prusse. Son corps d’armée était le modèle de toutes nos armées ; à la bataille de Wagram il tenait l’aile droite ; il renversa 100 000 Autrichiens avec le prince Eugène de Beauharnais et força l’ennemi à la paix. Et à la campagne de Russie il formait l’avant-garde du centre ; il fallait le retenir lorsque sa résolution était prise, car il était long à se déterminer, mais aussitôt était-il parti contre l’ennemi, rien ne pouvait l’arrêter ; il poussait l’ennemi si rapidement qu’il fallait lui faire modérer sa marche. Une fois parti, il se multipliait, il était le modèle de nos maréchaux pour la discipline ; il était aimé du soldat ; et sa belle résistance dans Bourges, c’est un des beaux faits d’armes de ce grand guerrier ; il commandait 60 à 63 000 hommes dans nos grandes armées ? Voilà quelques faits que j’ai vus de ce grand général. Je reviens à Orléans où j’ai laissé ce maréchal les mains derrière le dos, sous le poids du repentir car il était taciturne ; personne ne l’abordait, tous les officiers le fuyaient. Et Dieu ! s’il l’avait voulu, sous les murs de Paris, lui qui était maître des destinées de la France, il n’avait qu’à tirer son épée, il y avait 100 000 hommes qui en valaient trois cents et l’ennemi était chassé de France. Mais tous nos guerriers étaient rassasiés de gloire ". (p.307)