" C’est alors qu’eut lieu cette scène touchante entre l’empereur et le prince d’Eckmühl, qui, blessé à la Moskowa, se faisait rapporter dans les flammes pour sauver l’empereur ou mourir avec lui. Du plus loin que le maréchal l’aperçut, sortant avec calme d’un si grand péril, le bon et tendre ami fit un effort immense, et courut se jeter dans ses bras. Sa Majesta le pressa sur son cœur, comme pour le remercier de lui avoir donné une émotion douce dans un de ces moments où le danger rend ordinairement sec et égoïste " (p.236)
" Le corps du maréchal Davoust était l’un des plus maltraités de l’armée. De soixante-dix mille hommes dont il se composait en partant, il ne lui en restait plus que quatre à cinq mille qui tous mouraient de faim. Le maréchal lui-même était exténué ; il n’avait ni linge, ni pain ; le besoin et les fatigues de toutes sortes lui avaient horriblement maigri le visage ; toute sa personne faisait pitié. Ce brave maréchal, qui vingt fois avait échappé aux boulets russes, se voyait mourir de faim. Un de ses soldats lui présenta un pain ; il se jeta dessus et le dévora. Aussi était-il celui de tous qui se contînt le moins ; en essuyant sa moustache où le givre s’était condensé, il déblatérait avec l’accent de la colère contre le mauvais destin qui les avait jetés dans trente degrés de froid ; car la modération dans les paroles était assez difficile à garder, quand on souffrait tant. " (p.252)
" Le maréchal Davoust paraissait soucieux ; l’empereur lui disait : " Parlez donc un peu, maréchal. " Il y avait eu depuis quelques temps un peu de froideur entre lui et l’empereur ; Sa Majesté lui fit des reproches du peu de fréquence de ses visites ; mais elle ne pouvait point dissiper le nuage qui chargeait tous les fronts, car le secret n’avait pas été si bien gardé qu’elle l’avait espéré. " (p.265)