BLOCQUEVILLE Louise A. de (1815-1892)

Une femme de tête, une femme de lettres et une fille toute dévouée à la mémoire de son père, telle fut la marquise de Blocqueville.


  Louise Adélaïde, la plus jeune fille du maréchal Davout, est née à Paris le 8 juillet 1815, juste après que son père eut signé la capitulation de l’armée.

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En 1835, elle épouse le maréchal de camp Edmond François de Couliboeuf, marquis de Blocqueville, de vingt-six ans son aîné.

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Le chateau de Blocqueville à Falaise (Calvados)

A partir du second Empire, la marquise voyage (Algérie, Italie) et se met à l’écriture, avec un certain succès. Elle publie notamment Perdita (1859), Chrétienne et Musulman (1861), Rome (1864), Le prisme de l’âme (1864), Les soirées de la Villa des Jasmins (1874), Roses de Noël (1874), Le maréchal Davout raconté par les siens et par lui-même (1880), Pensées d’un Pape (1886), Les Chrysanthèmes (1888), A travers l’invisible (1891)...

Veuve en 1861, elle reçoit beaucoup de personnalités du monde politique, artistique, littéraire (Thiers, Cousin, Liszt, Lacordaire, Ingres, Beulé, ...) dans son hôtel parisien du quai Voltaire d’abord, du 9 quai Malaquais ensuite. Voici ce qu’en écrit Jules Claretie [1] en 1898 : « J’ai beaucoup connu Mme la marquise de Blocqueville, fille du maréchal Davout, dont les dernières volontés viennent d’être exécutées par la construction du phare d’Eckmühl, élevé à Penmarc’h devant la grande mer. Elle voulait bien m’honorer de son amitié. Son salon du quai Malaquais fut un des derniers salons parisiens où l’on pût causer non seulement des petits évènements de la journée mais des hautes questions littéraires, sans l’ombre de pédantisme ou d’apprêt. La fille de Davout y occupait, au premier étage, un appartement meublé avec un goût exquis, le salon, tout peuplé des souvenirs de l’Empire, donnant sur un boudoir tendu de soieries chinoises précieusement brodées […] Ce salon de Mme de Blocqueville avait sa physionomie particulière, avec la statue de bronze de Davout, qui, la main sur son bâton de maréchal, semblait présider aux réunions de la marquise. » ».

Liszt compose même en 1868 un « Portrait en musique de la marquise de Blocqueville » [2].

Après la mort de sa mère la maréchale princesse d’Eckmühl, la marquise de Blocqueville s’attache à honorer la mémoire de son père. Elle fait d’abord don de quantités de documents, meubles et objets à la ville d’Auxerre où elle fait créer, à ses frais, un musée entièrement consacré au maréchal Davout, la fameuse Salle d’Eckmühl.

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Le plafond de la salle d’Eckmühl, décoré des armoiries du maréchal

Ensuite, elle publie toute la correspondance privée entre le maréchal et son épouse, quatre volumes d’abord en 1879-1880 puis un 5ème en 1887, et ne manque pas d’intervenir lorsqu’une publication ose émettre quelques critiques à l’encontre de son père. Elle n’hésite pas non plus à réagir avec fermeté contre le maréchal von Moltke lorsque celui-ci, lors d’une séance du Reichstag, le 14 mai 1890, met en cause l’intégrité du maréchal Davout. La réponse est très vive et entraîne aussitôt la réédition du Mémoire au Roi de 1814 dont un exemplaire est adressé à l’impétueux militaire allemand, accompagné d’une lettre énergique : « Il y a un mérite plus rare et plus digne de tenter les grands cœurs que la terrible gloire acquise sur les champs de bataille ; ce grand mérite consiste à savoir rendre justice à ses ennemis ».

Enfin, par testament, la fille du maréchal Davout fait ériger, à la pointe de Penmarc’h, le phare d’Eckmühl : « J’aimerais que le phare d’Eckmühl fût élevé là ; mais sur quelque terrain solide, granitique, car je veux que ce noble nom demeure longtemps béni. Les larmes versées par la fatalité des guerres, que je redoute et déteste plus que jamais, seront ainsi rachetées par les vies sauvées de la tempête ».

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« Vivre est souvent lugubre ; mourir est toujours effrayant » écrivait la marquise de Blocqueville dans les Chrysanthèmes (p.25). Elle s’éteint pourtant dans sa villa de Villers-sur-Mer (Calvados) le 6 octobre 1892, à l’âge de 77 ans.

Les obsèques de la marquise de Blocqueville, fille du maréchal Davout, ont été célébrées le 10 octobre 1892 à l’église Saint-Germain-des-Prés à Paris.

Lisons le récit qu’en fait Charles Joly dans le Bulletin de la Société des Sciences de l’Yonne à l’automne 1892 :

«  Tout le sanctuaire était tendu de draperies noires frangées et lamées d’argent, rehaussées de nombreux cartouches aux armes des de Blocqueville. Le catafalque, très élevé, était environné d’une foule de lampadaires où scintillaient mille bougies ; de grandes torchères où brûlaient des flammes vertes achevaient de donner un caractère très imposant à la cérémonie.

De tous côtés, sur les marches, avaient été déposées de fort nombreuses couronnes ; l’une d’entre elles, la plus belle, portait cette inscription : "La ville d’Auxerre à la fondatrice du musée d’Eckmühl" .

La messe en musique a été chantée par les chœurs et la maîtrise ; M. Billoire, violoncelliste de l’Opéra, a exécuté d’une façon remarquable le Pie Jesu.

Dans la très nombreuse assistance ayant défilé devant le comte Vigier et les duchesses de Feltre et d’Albuféra, nous avons remarqué : la vicomtesse de Janzé, Mme Beulé, le comte et la comtesse Gabriel de Caix de Saint-Aymour, M. Quesnay de Beaurepaire, procureur général, le comte et la comtesse de Sesmaisons, M. et Mme Jules Claretie, le vicomte Frédéric de Beaumont, le général comte Friant, le prince et la princesse de la Rovère, le colonel de la Nouvelle, Mme de la Prade, la comtesse de France, M. et Mme Le Myre de Villers, M. Emile Montégut, la Délégation de la ville d’Auxerre, composée de MM. Richard et Pelletier, adjoints au maire, M. Joly, receveur municipal et conservateur du Musée d’Eckmühl., etc.

L’inhumation a eu lieu au cimetière du Père-Lachaise, dans le caveau de la famille Davout, où repose déjà le grand maréchal ».

De la marquise de Blocqueville, l’académicien Jules Claretie a écrit : « Je revois le beau visage souriant de la marquise et il me semble l’entendre elle-même. C’était une âme haute dont le libre esprit comprenait toutes les idées et n’avait plus qu’un parti : l’humanité ! »

[1] La vie à Paris - 1897 par Jules CLARETIE, de l’Académie française, Paris, Eugène Fasquelle éditeur, 1898

[2] Portrait en musique de la marquise de Blocqueville par Franz LISTZ, HERZ et PLANTE


Un portrait en musique de la marquise de Blocqueville par Franz LISZT