Jacques Pierre Romain dit "Santiago" DENIS de KEREDERN de TROBRIAND naît à Pleubian (Côtes-d?Armor) le 29 février 1780 d?un père d?ancienne noblesse bretonne et d?une mère espagnole.
Comme tout bon breton, il s?engage dans la marine en qualité de volontaire et d?aspirant. En 1799, il est toutefois admis dans l?armée de Terre (hussards) et participe à la campagne du Rhin puis à la campagne de St-Domingue. C?est sans doute sa relation avec le défunt général Leclerc qui amène cet officier, il est alors lieutenant, à rejoindre l?état-major du général Davout au camp de Bruges en 1803.
Voici un épisode de la vie à Ambleteuse, réunissant Davout, Trobriand et l?amiral Verhuell : Le 17 juillet 1805 à 7 heures du soir, 4 prames françaises et 33 canonnières bataves commandées par l?amiral hollandais Verhuell quittèrent le port de Dunkerque pour faire voile vers la Manche. Le convoi fut attaqué par une division anglaise à la hauteur de Gravelines, mais réussit, malgré des tués et des blessés et quelques bateaux endommagés, à poursuivre sa route jusqu à Calais où il mouilla. Inquiet Davout rejoignit aussitôt Verhuell dans ce port et décida de faire avec lui la dernière partie du voyage qui s?annonçait dangereuse. Le convoi réduit à une vingtaine de bâtiments, appareilla le 18, à 4 heures de l?après-midi par un vent assez violent de nord-est et une mer houleuse. La croisière ennemie, forte de 45 voiles, attaqua devant le Blanc-Nez. L?engagement fut tout de suite très chaud. Mais passons la parole à un témoin, l?aide de camp Trobriand qui, avec son camarade Bourke se trouvait aux côtés de Davout sur le bateau amiral : « On se serait cru en enfer... Le vent, la mer, ces satanés Anglais qui tiraient sur nous comme on tire sur une cible, tout à l?envie faisait rage ! Bourke et moi, nous croyions notre dernier jour arrivé ; cependant, en voyant Monsieur le Maréchal tranquille comme s?il eut été dans son salon, nous tâchions de faire bonne contenance. L?amiral n?avait pas l?air de bonne humeur, impassible, attentif à toute chose, il donnait des ordres ; les matelots man?uvraient crânement, l?artillerie ripostait de son mieux, mais nos barques ressemblaient à autant de petits pâtés prêts à tromper l?appétit de Messieurs les Anglais. Bah ! Le maréchal y faisait bien attention ! Il lorgnait de toutes ses forces et nous demandait sans cesse, depuis que la flottille était parvenue à serrer la côte si nous ne voyions rien ? Arrivés à la hauteur du cap Gris-Nez, je crus tout perdu... La profondeur de l?eau dans ces parages, permettant aux gros vaisseaux anglais d?approcher, ils se prirent à tirer sur nous en avançant toujours, mais là, à croire toutes les foudres de Jupiter à leur service... et le maréchal souriait ! Je lui en voulais bien un peu de nous avoir conduits là, quand tout à coup, au-dessus de nos têtes : Boum ! ... Boum. !... Boum ! ... Boum ! ... Boum ! . C?était à devenir sourd, jamais je n?ai entendu tel tapage ! C?était un des tours de l?Empereur. Dans la nuit, il avait fait garnir les hauteurs de batteries infernales et il fallait voir la surprise de Messieurs les Anglais qui se sauvaient à toutes voiles, et la figure de l?Amiral Verhuell ! » Le maréchal savait tout mais il avait gardé son secret ! A dater de ce jour, l?amiral et lui devinrent une paire d?amis...
Aide de camp dévoué et fidèle, Trobriand s?illustre notamment pendant la bataille d?Auerstaedt lorsque, envoyé par Davout pour aller chercher le concours de Bernadotte, il répond très sèchement au prince de Ponte-Corvo, ne supportant pas le refus désobligeant de ce dernier. Bernadotte s?en serait d?ailleurs plaint, en vain, auprès de l?Empereur. C?est d?ailleurs ce même Trobriand qui sera chargé, à l?issue de la bataille, d?annoncer à Napoléon la victoire de son général à Auerstaedt.
Capitaine depuis le 16 février 1807, Trobriand est nommé chef d?escadron après la bataille d?Eylau, et cité à l?Ordre du jour à Wagram. D?ailleurs, le 15 octobre 1809, le maréchal Davout écrit à l?Empereur : « Sire, j?ai l?honneur de solliciter les bontés de Votre Majesté en faveur de M. le chef d?escadron Trobriant, l?un de mes aides de camp. Cet officier est d?une bravoure très distinguée, rempli de zèle, d?activité et de dévouement. Il a reçu plusieurs blessures, et quoique que jeune encore, il a de longs services, tant dans la marine que dans les troupes. Votre Majesté a eu plusieurs fois l?occasion de remarquer son zèle, son activité et son intelligence, notamment à la bataille d?Eylau. Il a éprouvé de grandes pertes dans sa fortune, son beau-père, qui était l?un des riches armateurs de Dunkerque, ayant été ruiné par les circonstances. Je prie Votre Majesté de lui accorder le titre de baron avec dotation ». Il sert à l?état-major de Davout jusqu?en 1811, lorsqu?il est appelé à l?armée d?Espagne. Il rejoindra encore Davout pendant quelques jours en juin 1815 juste avant la reddition de l?armée de la Loire. Les deux hommes resteront très liés et il semble même que le maréchal ait donné son épée de bataille à son plus fidèle aide de camp.
Entre ses voyages en Amérique du Sud, "Santiago" de Trobriand assiste au mariage de Joséphine Davout avec Achille Vigier en 1821 à Savigny-sur-Orge. Très attaché au maréchal, il reviendra très régulièrement visiter la princesse d?Eckmühl après la mort de son mari et ne cessera, comme un rituel, de raconter aux enfants du maréchal les campagnes de leur père et particulièrement, bien entendu, la bataille d?Auerstaedt.
Nommé général en 1830, Officier de la Légion d?honneur en 1833, Commandeur en 1838 puis Grand Officier en 1847, il occupe plusieurs commandements avant d?être admis à la retraite en 1848. Jacques DENIS de KEREDERN, baron de TROBRIAND, s?éteint finalement le 24 septembre 1867 à Brest. Il avait épousé Hélène Anne Charlotte de Crévoisier de Vomécourt.
Pour en savoir plus : Le site de Bernard Huguenin