La comtesse Potocka rapporte que la maréchale était « préoccupée de la jalousie incessante que lui donnaient les amours fugitives du maréchal, qui, ainsi que tous les Français, raffolait des Polonaises et semblait gêné de la présence de sa femme ; car il avait, de plus, une Française qu’on prétendait ressembler trait pour trait à la maréchale, et qui, grâce à ses légitimes dehors, avait suivi l’armée, au grand déplaisir de l’Empereur ».
Le général baron Thiebault, qui déteste cordialement le maréchal Davout et ne manque pas une occasion de le dénigrer, explique, dans ses Mémoires, comment le Gouverneur général du Grand duché de Varsovie avait "trahi la foi conjugale" :
« L’Empereur ayant été informé en 1811 [1] que le maréchal Davout avait pour maitresse à Varsovie la femme d’un sous-inspecteur aux revues ou commissaire des guerres, nommé Martin [2], et qu’il s’affichait avec elle au point de donner ses audiences chez elle et de lui donner chez lui la première place à table comme au salon, fit appeler la maréchale et lui ordonna de partir dans les vingt-quatre heures pour rejoindre son mari. Partir ainsi était extrêmement difficile, mais qui résistait à une puissance surhumaine ? La maréchale partit donc [3] ; il était à croire en effet que son arrivée mettrait fin à ce scandale ; il en fut autrement, le maréchal ne garda même aucune apparence avec la plus respectable des femmes, et, bornant toutes ses concessions à établir la Martin dans une campagne située aux portes de la ville, il poussa l’impudeur au point de passer les jours et les nuits chez cette créature, fort jolie du reste, mais tout aussi commune, ce que le maréchal n’était pas capable d’évaluer ».
« La maréchale prit patience huit jours, ajoute Thiebault, puis, au bout de ce temps, jugeant la mesure suffisamment comble, elle revint à Paris [4]. Ce désordre ne recommença pas à Hambourg, lorsque la maréchale s’y rendit en 1813 ; mais ledit Davout avait été, et de manière à s’en souvenir, sermonné par l’Empereur, offensé de ce que l’arrivée à Varsovie de la maréchale n’eût pas été considérée par le maréchal comme un ordre de changer sa conduite ».
Sans vouloir apporter une quelconque excuse au maréchal Davout, si cette aventure extra-conjugale est avérée, on rappelera simplement que le maréchal n’a passé que deux semaines avec Aimé et ses enfants depuis le mois de mai 1805 (deux semaines en trois ans !). Lorsqu’a lieu cet épisode, il n’a pas vu son épouse depuis le mois de septembre 1806, c’est à dire depuis plus d’un an et demi.
Pour l’anecdote, on rapportera cet extrait d’une lettre, datée du 15 février 1808, du général Rapp [5] à son ami Davout : « L’Empereur a eû la bonté de m’envoyer ma femme [...] il vous jouera peut être le même tour et cela serai (sic) contrariant dans un moment ou vous etes seul dépositaire de votre objet ».
Mémoires de la comtesse Potocka, Paris, Plon, 1911, (p.161)
Mémoires du général baron Thiébault, Paris, Plon, 1895 (tome 5, p.369)
[1] Thiébault se trompe. Ces évènements n’ont pu se dérouler qu’en 1808. D’ailleurs, la comtesse Potocka situe bien cet épisode en 1808.
[2] Le général Szymanowski évoque, dans ses Mémoires, la présence d’un Thomas Martin à l’état-major de Davout à Varsovie sans qu’il soit possible de faire un lien entre ces deux personnes
[3] La maréchale arriva à Varsovie le 21 mai 1808, accompagnée de ses deux filles, Joséphine et Léonie
[4] Encore une erreur de Thiébault : la maréchale resta à Varsovie bien plus que huit jours puisqu’elle ne quitta le Grand-duché que le 22 septembre 1808
[5] Il est alors gouverneur à Dantzig