LECLERC Victoire-Emmanuel (1772-1802)

Epoux de Pauline Bonaparte, le général Leclerc est le beau-frère du Premier Consul, mais il est aussi le beau-frère de Davout par le mariage de sa soeur, Aimée Leclerc, avec le futur prince d’Eckmühl. Il est mort à 30 ans à Saint-Domingue.

Victoire-Emmanuel Leclerc est né à Pontoise le 17 mars 1772. Son père Jean-Paul, conseiller du Roi au grenier à sel de cette ville, lui fait faire des études à l’université de Paris. Mais, à l’âge de 19 ans, le jeune Leclerc s’enrôle dans les bataillons de volontaires décrétés en 1791 par l’Assemblée Nationale et est élu lieutenant de la 4ème compagnie du 2ème bataillon du département de Seine-et-Oise. Il y sert jusqu’au 22 septembre 1792 avant de rejoindre l’état-major du général Lapoype (17ème division) en qualité d’aide de camp surnuméraire. Il est bientôt nommé sous-lieutenant au 12ème régiment de cavalerie. Sa division participant au siège de Toulon, il s’y fait remarquer, obtient ses galons de capitaine, est investi, alors qu’il n’a pas encore 21 ans, chef de l’état-major de l’aile gauche de l’armée, et est nommé adjudant-général chef de bataillon. Il est probable que c’est à Toulon qu’il fait la connaissance de Bonaparte.

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Le général Leclerc

Affecté ensuite à l’armée des Ardennes, Leclerc assiste (peut-être) à la bataille de Fleurus, mais demande son versement dans l’armée des Alpes. Envoyé à la frontière d’Italie, il reçoit le commandement de l’extrême avant-garde de l’armée des Alpes. Il se maintient au Mont Cenis pendant l’hiver 1794-1795 malgré toutes sortes de difficultés, ce qui amène le Directoire à lui confier le commandement de la place de Marseille. Mais Leclerc préfère l’action. Il sollicite et obtient de rejoindre le général Bonaparte à l’armée d’Italie (3 mai 1796), d’abord en qualité de sous-chef d’état-major, puis à la tête de la 3ème demi-brigade. Il participe aux combats de Salo, Lonato, Castiglione. L’adjudant-général Leclerc se fait remarquer à plusieurs reprises du général Bonaparte qui le désigne comme "meilleur officier de cavalerie de l’armée" puis comme "un officier distingué et intrépide sur un champ de bataille". Sa conduite à Arcole, à Rivoli, valent à Leclerc de recevoir la mission honorifique de porter à Paris la nouvelle des préliminaires de paix de Léoben, et les drapeaux pris à l’ennemi. Le Directoire le nomme alors général de brigade (6 mai 1797). Il en profite pour se marier, à Milan, avec Pauline, la jeune soeur de Bonaparte (14 juin), dont il s’était épris à Marseille. Resté en Italie pendant l’expédition d’Egypte, le général Leclerc est le chef d’état-major de Berthier puis de Brune. Appelé à seconder le général Kilmaine pour réprimer des troubles dans les départements de l’ouest, il s’acquitte avec prudence et fermeté de sa tâche, ce qui lui vaut d’être nommé général de division le 26 août 1799 alors qu’il n’a que 27 ans.

Bonaparte étant revenu d’Egypte, Leclerc le rejoint aussitôt à Paris et apporte sa contribution au succès du 18 brumaire. Le 5 décembre 1799, il esr appelé à servir dans l’armée du Rhin, sous Moreau, comme commandant de la 2ème division. D’abord tenu en réserve, il s’illustre à Landshut.

Mais, le 18 mars 1801, le Premier Consul lui confie une mission bien particulière. Il s’agit de former deux brigades en secret pour aller soumettre le Portugal, l’une intervenant par voie terrestre à travers l’Espagne, l’autre par voie maritime dans l’escadre de l’amiral Bruix. Mais, avant que les troupes n’aient atteint le Portugal (Leclerc est à Salamanque), un traité met fin à cette expédition. En dépit des traités de Lunéville et d’Amiens qui instauraient la paix, le général Leclerc n’eut guère le temps de se reposer.

En effet, des colonies françaises, l’ile de Saint-Domingue était la plus convoitée par l’Angleterre. Agitée par les émissaires britanniques, la population noire s’était insurgée et s’était placée sous l’autorité de Toussaint Louverture qui avait restauré l’ordre avant de se faire nommer gouverneur à vie. Bonaparte acceptait de reconnaître ces nouvelles dispositions, sous réserve que les droits de la France fussent sauvegardés. C’est dans ce but, qu’il résolut d’envoyer une armée à Saint-Domingue dont il confia le commandement en chef à son beau-frère, le général Leclerc.

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Buste du général Leclerc - Salle d’Eckmühl à Auxerre.

Leclerc, accompagné de sa femme Pauline, s’embarque donc le 30 brumaire sur le vaisseau amiral L’Océan. Lorsque, en février 1802, les navires de la flotte se présentent devant les différents ports de l’ile, l’accueil n’est pas celui espéré. Le débarquement a lieu le 6 février et il devient rapidement évident que la reprise des hostilités est inévitable. Les opérations commencent dès le 17 février et, après plusieurs combats, l’ile semble être pacifiée à la fin du mois d’avril. Toussaint Louverture accepte de déposer les armes et se retire chez lui. Vaillant chef militaire, Leclerc se révèle alors habile administrateur. Il crée une gazette officielle, organise l’administration civile, publie des réglements dans les domaines financiers, culturels et commerciaux, institue une gendarmerie, etc. La correspondance qu’il reçoit du Premier Consul atteste de la satisfaction de ce dernier. Saint-Domingue est redevenue florissante, mais un nouveau fléau va frapper : en deux mois, la fièvre jaune tue 15.000 hommes du corps expéditionnaire !

Les troubles reprennent alors dans l’ile. Toussaint Louverture est arrêté et envoyé en métropole. Cette mesure aurait pu calmer les esprits mais la nouvelle du rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe rallume aussitôt l’incendie. L’insurrection devient bientôt générale et les troupes, réduites à moins de 4.000 hommes, sont bien incapables de maîtriser la situation. Dans ces terribles circonstances, Leclerc conserve son sang-froid : il parcourt les hôpitaux, les casernes, prodigue des encouragements. Tous ses plus fidèles subalternes sont morts, tués par la rebellion ou par la maladie. Sur les 34.000 hommes débarqués, 24.000 sont morts et 7.000 languissent dans les hôpitaux. Bientôt, Leclerc lui-même est atteint par la contagion. Il s’éteint rapidement, le 1er décembre 1802.

Lisons la dépêche au ministre de la marine rédigée par Norvins, futur historien de Napoléon, qui servait alors comme secrétaire général : « Citoyen ministre, la nuit du 10 au 11 brumaire a vu terminer les jours du général en chef Leclerc, capitaine général de la colonie de Saint-Domingue. L’armée a perdu en lui un père dont toute la sollicitude n’était que pour son bonheur et sa gloire, et la colonie un administrateur dont toute l’ambition était son entière prospérité. L’armée porte le deuil de la mort de son général, et Saint-Domingue regrettera à jamais celui qui voulait lui assurer le bonheur et la tranquillité. »

La dépouille du général Leclerc fut rapatriée jusqu’à Toulon à bord du Swiftsure, vaisseau anglais capturé par l’amiral Ganteaume le 24 juin 1801, transportée à Marseille à bord de la frégate La Cornélie, puis à travers la France, avec les plus grands honneurs, jusqu’à Montgobert, près de Soissons, où elle fut inhumée.

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Sépulture du général Leclerc dans la propriété de Montgobert

N’ayant eu, de son mariage, qu’un fils, Dermide, mort en bas âge (1798-1806), Leclerc mourut sans postérité. Il avait deux frères : l’un préfet et l’autre, Leclerc des Essarts, général de brigade. Il avait également deux soeurs dont l’une, Aimée, épouse de Louis Nicolas Davout, devint maréchale princesse d’Eckmühl. L’autre épousa le général Friant, divisionnaire de Davout. Quant à Pauline, l’épouse du général Leclerc, elle se remaria avec le prince Borghèse, duc de Guastalla. Elle est morte en 1825.

« Le capitaine général Leclerc était un officier de premier mérite, propre à la fois au travail du cabinet et aux manoeuvres du champ de bataille. Il avait fait les campagnes de 1796 et 1797, comme adjudant-général auprès de Napoléon ; celle de 1799 sous Moreau, comme général de division. Il commandait au combat de Freisingen, où il battit l’archiduc Ferdinand ; il conduisit en Espagne un corps d’observation de 20.000 hommes, destiné à agir contre le Portugal ; enfin dans cette expédition de Saint-Domingue, il déploya du talent et de l’activité ; en moins de trois mois, il battit et soumit cette armée noire qui s’était illustrée par la défaite d’une armée anglaise. » (Mémorial de Sainte-Hélène).

En 1868, la maréchale Davout, princesse d’Eckmühl, fit don à la ville de Pontoise d’une statue en marbre blanc de son frère qui avait été commandée par Napoléon 1er, exposée au Panthéon et rendue par Louis XVIII au maréchal Davout qui l’avait placée dans le parc de son château où elle était restée jusqu’à cette date.

Pour en savoir plus :

« Le général Leclerc » - Notice historique et biographique d’après les documents officiels par M. A.-P. DE FORGES, Sous-Directeur au Ministère de la guerre. Paris, imprimerie administrative Paul Dupont, 1869.

« Le Général Leclerc (1772-1802) et l’expédition de Saint-Domingue » par Henri MEZIERE. Paris, Editions Tallandier, 1990.