Nicolas d’Avout, né en 1686 est mort au siège de Prague en 1742. Il avait eu cinq enfants dont Jean-François (1739-1779), père du maréchal, et Jacques (1735-1809), major au Royal Champagne cavalerie qui avait épousé, en 1761, Colombe de Drouard de Curly. C’est de cette union qu’est né François-Claude en 1769. Comme son cousin Louis Nicolas Davout, François-Claude d’Avout s’engage également au Royal Champagne cavalerie où il est nommé sous-lieutenant. Mais, dès 1791, les chemins des deux cousins divergent.
Alors que le futur maréchal embrasse les idées de la Révolution puis de l’Empire, François-Claude suit au contraire la voie de l’émigration et rejoint l’armée des princes. Volontaire, monté et équipé à ses frais dans le régiment de Bercheny Hussards le 10 mars 1793, il reçoit un coup de sabre au cou au combat de Gerpine le 17 mai 1794. Il est promu capitaine de cavalerie le 10 mars 1796.
En avril 1797 François-Claude s’embarque pour la Martinique où il épouse en, secondes noces, Louise d’Amalric, fille du procureur de la sénéchaussée de Fort-Royal. Rayé de la liste des émigrés le 12 brumaire an X (3 novembre 1801) grâce à l’intervention de son cousin, il demeure néanmoins en Martinique et s’attache à la défense de l’île. Il ne rentre en France que le 9 septembre 1812 (alors que le maréchal est en Russie avec la Grande armée). Les deux hommes, qui ne se sont pas vus depuis 1791, ne se retrouveront que 23 ans plus tard à Hambourg, dans des circonstances très particulières que raconte François-Claude d’Avout.
« Le 20 janvier (1814), je suis revenu à Paris, logeant chez Madame la Maréchale Davout. Le 1er avril, j’ai vu, la douleur dans l’âme, les Russes entrer dans Paris, et des Français indignes de ce nom applaudir à leurs succès dus à la sottise et à l’insatiable ambition de l’Empereur. Le grand-duc Constantin est venu loger chez le Maréchal ; j’ai disputé mon logement avec un colonel russe son écuyer ; en tenant bon, je l’ai conservé. »
« Le 5 avril, j’ai obtenu que la dépense de ce prince serait faite par la ville de Paris. Il avait été défrayé jusqu’alors sur les fonds que Mme la Maréchale avait laissés à l’hôtel, lors de son départ pour Tours ou Blois. Je n’ai pas trouvé chez Messieurs du Département une grande bienveillance envers le Maréchal ; une partie voulait que le grand-duc continuât à être aux frais du Maréchal ; il a fallu que je misse de l’énergie avec eux, et que même je les menace du grand-duc, leur disant que Son Altesse n’entendait pas être défrayée par un simple particulier, mais bien par la ville de Paris, puisque la charge actuelle devait être supportée par la masse de la population. Le prince aurait bien mieux fait de s’entretenir de ses propres fonds, car je ne crois pas que l’on trouve très digne, de la part d’une Altesse impériale, de se faire héberger par un pays comme un simple soldat. Enfin nous sommes dans un siècle où la dignité et les convenances ont été bien souvent oubliées. Enfin je réussis à faire faire la dépense du grand-duc par la municipalité, ce qui fut une grande économie pour la Maréchale, car la maison du grand-duc coûtait environ 1.200 fr. par jour. Il y avait soixante-dix lits occupés à l’hôtel ; le reste bivouaquait dans la cour. La table était toujours servie, et les Russes nous ont prouvé que la sobriété n’était pas leur vertu favorite, car ils semblent ne vivre que pour manger gloutonnement. Le jour de Pâques, il fallut leur faire un agneau de beurre pour plat du milieu ; il demeura servi tout le jour, et fut ensuite englouti dans les estomacs de ces barbares, qui cependant semblent avoir des prétentions à la civilisation. »
« Le 15 avril, Madame la Maréchale revint de Blois, où elle était allée pour s’éloigner du théâtre de la guerre. Je lui dis que je m’étais proposé au Gouvernement provisoire pour aller avertir le Maréchal de tout ce qui se passait à Paris ; que ma démarche avait été louée, mais qu’elle n’avait pas été acceptée ; que je croyais que les ennemis du Maréchal, tant Français qu’étrangers, avaient le projet de le présenter comme un rebelle, afin de le perdre à jamais dans l’esprit des Bourbons, et qu’on faisait vraisemblablement tout ce qu’il était possible, pour le prendre de vive force et l’envoyer en Sibérie ; que surtout le roi de Prusse parmi les étrangers, et Talleyrand et Berthier entre les nationaux étaient les plus acharnés à sa perte ; qu’en conséquence je pensais qu’il fallait, à quelque prix que ce fût, avertir le Maréchal, et je m’offris de partir de suite. La difficulté fut d’avoir un passeport à l’insu du Gouvernement. Après bien des courses, j’en eus enfin un assez défectueux, et je partis le 20 avril à six heures du soir. Je fus arrêté à tous les postes, ce qui me retardait et m’était souvent très désagréable ; si je n’avais pas su l’allemand, je n’aurais pu aller à plus de cinquante lieues. »
« Le 24, entre minuit et une heure, j’arrivai sur les glacis de Venloo, occupée par une garnison française commandée par le général Desnoyers ; on fit feu sur moi du rempart, et j’eus beaucoup de peine à me faire ouvrir les portes, parce qu’on se méfiait des Prussiens qui bloquaient la ville. Je parlai au général, auquel je donnai un avis important qu’il suivit ; il ne voulut me laisser aller qu’au jour, avec un officier prussien qui était venu en parlementaire, et qui m’accompagna jusqu’à Gueldre. »
« Le 26 avril, à cinq heures du soir, j’arrivai à Brême. Le général russe Gloz y commandait ; il me fit des observations sur la défectuosité de mon passeport ; j’y répondis de mon mieux. Il se détermina à me mettre entre les mains d’un officier, pour me conduire au général Benningsen qui commandait le blocus de Hambourg. »
« Le 28 avril, j’arrivai à Pinneberg, quartier-général de Benningsen, à trois lieues de Hambourg, sur les terres de Danemark. Ce général voulut me retenir prisonnier ; je lui dis que j’avais des choses d’une haute importance à communiquer au Maréchal, et que certainement mon introduction produirait un grand changement dans l’état actuel des choses ; il insista, et me remit sous la surveillance d’un colonel autrichien. J’observai à Benningsen, que M. le Maréchal était très entreprenant, qu’il ne l’ignorait pas, qu’il se préparait peut-être, au moment où je lui parlais, à faire une vigoureuse sortie que mon introduction pouvait empêcher ; que si Son Excellence continuait à me refuser l’entrée de Hambourg, je lui demandais sur la tête de qui elle pensait que dût peser un sang inutilement répandu, puisque nos souverains étaient en pleine paix ! Il me renvoya dans mon logement, en m’invitant à dîner. Deux heures après, il se décida à me laisser entrer dans Hambourg, à condition que le Maréchal lui permettrait l’occupation d’Altona, avec faculté d’y introduire un bataillon pour sa garde. Il me remit aux mains de colonel danois Aubert, qui m’escorta jusqu’à Altona. Je glissai dans le paquet renfermant les conditions auxquelles on me laissait entrer dans Hambourg, un papier écrit au crayon où j’invitais M. le Maréchal à faire tout ce que son honneur ne lui défendrait pas, afin que je puisse arriver jusqu’à lui, que j’avais à l’informer de grandes choses. Le paquet fut porté aux avant-postes français, et une heure après je vis arriver M. Octave de Beaumont, aide de camp du Maréchal, qui envoyait par lui son consentement à l’occupation d’Altona : je partis avec lui de suite pour Hambourg. »
« Je trouvai le Maréchal, qui avait réuni chez lui tous ses officiers généraux. Je lui racontai l’invasion de la France, la prise de Paris après une bataille, la déchéance et l’abdication de l’Empereur ; je lui montrai les Moniteurs qui appuyaient mon récit. Après m’avoir entendu, il dit que des militaires n’avaient point à délibérer, et devaient se soumettre franchement au Gouvernement qui régissait leur patrie ; que par l’abdication ils étaient libérés de leur serment envers Napoléon, et qu’il reconnaissait Louis XVIII pour le Souverain de la France. Il fut imité par tous les généraux ; et le lendemain matin, le pavillon blanc et la cocarde blanche furent arborés, et salués de 400 coups de canon. »
« Le 30 avril, le Maréchal m’envoya près de Benningsen, pour convenir d’une entrevue entre les deux généraux, aux fins de faire un armistice. Benningsen, qui paraît un homme très violent et vindicatif, ne voulut d’abord pas entendre parler du Maréchal, me disant que c’était un monstre, qu’il ne voulait jamais voir. Le premier levain de cette haine vient d’Eylau, où le Maréchal enleva à Benningsen, le soir, tous les brillants avantages de la journée, et le força d’aller coucher à quatre lieues du champ de bataille. Ce vieil enragé me témoigna donc le plus invincible éloignement pour toute espèce de rapport entre lui et le Maréchal. Je ne sais quel génie m’inspira ; mais en moins de deux heures, je gagnai sa confiance au point d’obtenir de lui tout ce que la Maréchal avait désiré. C’était d’abord l’entrevue, l’heure, le lieu et le nombre de personnes qui devaient les accompagner : comme le Maréchal m’avait donné le mot, ce fut moi qui fixai l’heure, le lieu et le cortège ... »
« Le général Benningsen est Hanovrien ; il entra de très bonne heure au service de la Russie, où il passe pour un très bon général, ce qu’il n’a pas prouvé à Hambourg. Il a trente-deux décorations, hochets qui flattent son extrême vanité.. Je le crois petit et méchant. Il m’a montré des lettres autographes de Louis XVIII. C’est un homme d’au moins six pieds, très droit, grand fumeur, âgé de 75 ans (ndlr : en fait, 70 ans). »
« Le 8 mai, à trois heures après midi, je suis parti de Hambourg ; en passant par Altona, je suis allé voir Benningsen, qui m’a fait une réception et un adieu très aimables. »
« Le 15, je suis arrivé à dix heures du soir à Paris, où Madame la Maréchale m’attendait avec grande impatience, pour avoir des nouvelles de son mari. »
C’est ainsi que se sont recroisés les destins de François-Claude d’Avout et de son illustre cousin. Le comte d’Avout sera fait chevalier de l’ordre de Saint-Louis et de la Légion d’honneur.
Marié en premières noces à Elisabeth de Tilly-Blaru (1790), puis à Louise d’Amalric (1799), il aura cinq enfants, dont postérité. Il s’est éteint le 16 février 1839 à Fort-Royal (Martinique).