Le prince de Neufchatel, major-général, au maréchal Davout. Waldein, 7 mai 1813
Je vous ai annoncé, prince, par une lettre du 5, la victoire complète que l’Empereur a remportée le 2. Probablement nous serons demain à Dresde ; le duc d’Elchingen va passer l’Elbe et marcher sur Berlin. L’Empereur me charge de vous faire connaître qu’il est indispensable que vous vous portiez à Hambourg, que vous vous empariez de cette ville et que vous dirigiez sur le champ le général Vandamme sur le Mocklembourg.
Voici la conduite que vous aurez à tenir : Vous ferez arrêter sur le champ tous les sujets de Hambourg qui ont pris du service sous le titre de sénateurs de Hambourg. Vous les ferez traduire à une commission militaire, et vous ferez fusiller les cinq plus coupables. Vous enverrez les autres sous bonne escorte en France, pour être retenus dans une prison d’Etat. Vous ferez mettre le séquestre sur leurs biens, et vous les déclareez confisqués. Le domaine prendra possession des maisons, fonds de terre, etc.
Vous ferez désarmer la ville, vous ferez fusiller tous les officiers de la légion hanséatique, et vous enverrez tous ceux qui auront pris part de l’emploi dans cette légion en France pour y être mis aux galères.
Dès que nos troupes seront arrivées à Schwerin, vous tâcherez, sans rien dire, de vous saisir du prince et de sa famille, et vous l’enverrez en France, dans une prison d’Etat, ces ducs ayant trahi la Confédération. Vous en agirez de même à l’égard de leurs ministres. Vous ne commettrez aucun acte d’hostilité envers les Suédois s’ils restent dans la Poméranie et déclarent vouloir rester tranquilles.
Vous ferez une liste des rebelles, des quinze cents individus de la 34e division militaire les plus riches et qui se sont les plus mal conduits ; vous les ferez arrêter, vous ferez mettre le séquestre sur leurs biens, dont le Domaine prendra possession. Cette mesure est surtout nécessaire dans l’Oldenbourg.
Vous ferez mettre une contribution de 50 millions sur les villes de Hambourg et de Lübeck. Vous prendrez des mesures pour la répartition de cette somme, et pour qu’elle soit promptement payée.
Vous ferez partout désarmer le pays, et arrêter les gendarmes, canonniers, gardes-côtes, et officiers et soldats ou employés qui, étant au service, auraient trahi. Leurs propriétés seront confisquées.
N’oubliez pas surtout toutes les maisons de Hambourg qui se sont mal comportées et dont les intentions sont mauvaises. Il faut déplacer les propriétés, sans quoi on ne serait jamais sûr dans ce pays.
Vous ferez armer la place de Hambourg. Vous ferez faire des ponts-levis aux portes, vous ferez mettre des canons sur les remparts, relever les parapets. Vous établirez une citadelle du côté de Hambourg, de manière que quatre ou cinq mille hommes y soient à l’abri de la population et de toute incursion.
Vous ferez également armer Lübeck, pour que cette ville soit aussi à l’abri d’un coup de main. Vous réorganiserez Cuxhaven.
Toutes ces mesures, prince, sont de rigueur ; l’Empereur ne vous laisse la liberté d’en modifier aucune. Vous devez déclarer que c’est par ordre exprès de Sa Majesté, et agir en temps et lieu avec la prudence nécessaire.
Tous les hommes connus pour être chefs de révolte doivent être fusillés ou envoyés aux galères. Quant au Mecklembourg, l’instruction générale est que ses princes soient hors de la protection de l’Empire ; mais il n’en faut rien laisser apercevoir, et probablement Sa Majesté aura le temps de donner des ordres. Comme les princes de Mecklembourg peuvent ignorer nos dispositions, vous pouvez promettre d’abord tout ce qu’on voudra, en y mettant pour restriction, sauf l’approbationd de l’Empereur. L’approbation étant parvenue, tout se trouverait en règle.
Hambourg étant en état de siège, vous y nommerez un commandant ferme pour faire la police.
Vous enverrez le général Vandamme en avant avec votre quartier général. Il faut avoir soin, prince, de ménager ce général, les hommes de guerre devenant rares.
Le prince de Neufchâtel, Major général - Signé : Alexandre
L’Empereur au maréchal Davout. Dresde, 9 juillet 1813
Mon cousin,
Une députation de Hambourg s’est présentée chez le comte Daru et chez le grand écuyer pour demander à m’être présentée. J’ai refusé de la recevoir jusqu’à ce que la contribution de 48 millions fût entièrement payée, et je lui ai fait donner ordre de quitter Dresde dans la journée.
A cette occasion, je dois vous faire connaître mes intentions. Je veux les 48 millions en entier et sans qu’il en soit retranché un sou. Dans le mémoire qu’apportent ces messieurs, il paraît qu’ils disent qu’ils n’ont pas les 40 millions. Voici ma réponse : tant que les 40 millions qui restent à payer ne seront pas payés, tous les magasins demeureront sous le séquestre, car je suppose que vous avez mis et maintenu le séquestre sur les gros magasins et même sur les boutiques. Il faudra étendre cette mesure sur les gros magasins de la 32ème division, sur les bâtiments de commerce et sur les maisons qui seront louées pour mon compte. Les bâtiments et les maisons m’appartiendront. Les marchandises m’appartiendront de même ; on les dirigera sur la France et sur d’autres points en Allemagne pour être vendus, et sûrement il y aura bien plus de 48 millions de marchandises à Hambourg. Enfin il y a le territoire qui vaut bien plus de 100 millions et que je ferais, s’il le fallait, adjuger au domaine. J’ai ordonné au comte Daru de répondre dans ce sens, et c’est dans ce sens que vous-même vous devez parler.
Le crime de rébellion et de félonie qu’ils ont commis les a dépouillés de toutes leurs propriétés et de tous leurs droits civils, la contribution de guerre en est le rachat. Ils ont payé 10 millions en argent, 10 millions en marchandises ; faites-leur signer des bons encore pour 10 millions ; il leur restera à payer 18 millions. Ils peuvent très bien faire un compromis comme ils l’ont fait autrefois ; ils ont crédit sur toutes les places ; ils peuvent très bien tirer pour 10 millions de lettres de change, ils complèteront ainsi leur payement. Moyennant ça je lèverai le séquestre. Je leur rendrai leurs droits civils, et chacun rentrera dans sa propriété.
Quant à l’amnistie, vous savez bien que je vous ai donné carte blanche. Je ne vous fais aucune difficulté à cet égard. J’aime mieux les faire payer : c’est la meilleure manière de les punir. Il faut chercher aussi à atteindre la canaille et faire peser sur elle une portion de la contribution de guerre en doublant et quadruplant la contribution personnelle, celle des portes et fenêtres, en augmentant l’octroi, les droits sur le débit au cabaret, etc. Cela ne produira que 2 ou 3 millions ; mais il est convenable de frapper aussi la canaille et de lui faire voir qu’on ne la craint pas. Il faudrait l’atteindre en en prenant le plus qu’on pourra pour envoyer en France dans les troupes et en saisissant tous les boute-feux qu’on enverra aux galères et dans les maisons de force en France.
Sur ce, etc.