Conseil municipal d’Auxerre. Séance du dix-neuf février mil huit cent six. Présents : MM. ROBINET-PONTAGNY, Maire, Président ; BACHELET, PARADIS, CHARDON, LA COUR, CHATEAU, DUMAS, DPLESSIS, THIERRIAT, VAUTIER, MARTIN, BERTRAND, LESSERE, GAUTHIER, MALVIN, LECLERC, HAY, DURU, NOIROT, MARION, ROBIN, DESCHAMPS, et DUCROT, Secrétaire.
Monsieur le Maire a dit :
Messieurs, nous avons admiré avec toute la France les prodiges inouïs par lesquels notre invaincible Empereur a terminé en trois mois dans une seule campagne à jamais mémorable une guerre dont l’appareil menaçant semblait devoir embraser l’Europe entière. Parmi les illustres guerriers qui ont partagé la gloire du héros qui les menait à la victoire, nous distinguons, avec une orgueilleuse satisfaction, M. le maréchal Davout, que nous tenons à honneur de regarder comme notre compatriote. Si la ville d’Auxerre n’a point eu l’avantage de lui donner la naissance, elle a eu celui de le compter parmi les élèves de cette célèbre Ecole militaire dans laquelle il a reçu l’éducation distinguée dont il recueille aujourd’hui les fruits précieux et honorables. C’est au sortir de ce second berceau de son enfance que M. le maréchal Davout, à peine adolescent, s’est élancé dans la carrière militaire qu’il a parcourue si glorieusement. En 1792, lors de l’invasion du territoire français par les phalanges ennemies, M. le maréchal Davout vole à la défense de la patrie, à la tête d’un des bataillons de l’Yonne dont il venait d’être nommé lieutenant-colonel ; il parvint rapidement, de grade en grade, à celui de général, dont il ; se montra digne par des succès multipliés dans nos armées d’Allemagne et d’Italie ; il suivit en cette qualité l’immortel Napoléon à la conquête de l’Egypte, et, devenu dès lors son fidèle compagnon d’armes, il partagea ses triomphes et ses fatigues, sa bonne et sa mauvaise fortune, et, à son retour en France, il le seconda dans l’exécution de l’heureux projet de sauver la patrie. Après la restauration de la France, M. le maréchal Davout suivit encore à Marengo [1] le vainqueur de Lodi et cueillit de nouveaux lauriers à cette fameuse bataille où il commandait en chef la cavalerie. Enfin, lorsque les voeux du peuple français portèrent au trône impérial le grand homme auquel nous devons notre bonheur et notre gloire, M. le maréchal Davout fut comblé par lui d’honneurs et de dignités qu’il avait mérités à tant de titres ; il ne regarda néanmoins ces bienfaits que comme une nouvelle obligation de redoubler de zèle et de dévouement pour le service de la patrie. Il s’en est montré un des plus fermes appuis dans cette dernière campagne, et notamment à la bataille d’Austerlitz, au succès de laquelle il a fortement contribué par une manoeuvre profondément savante et exécutée avec autant de hardiesse que d’habileté ; ce combat, qui a consommé l’entière destruction de nos ennemis, suffirait seul pour immortaliser le héros intrépide qui le commandait en personne et les braves chefs qui le dirigeaient sous ses ordres. Le récit de tous ses exploits a porté l’enthousiasme dans les coeurs de tous les bons Français, et plusieurs citoyens recommandables de notre ville, persuadés que le conseil municipal s’occuperait dans sa session actuelle de rendre un témoignage éclatant à la gloire dont s’est couvert le maréchal Davout, ont manifesté le désir de la voir consacrer par un monument authentique et durable. Tout nous engage à accueillir ce voeu ; vous vous rappelerez avec reconnaissance les marques de bienveillance et d’attachement qu’a données à cette ville M. le maréchal Davout lorsqu’il vint, il y a quelques mois, présider le collège électoral [2] du département. Il remplit cette honorable mission avec une dignité et une aménité qui lui gagnèrent tous les coeurs ; il dirigea les opérations avec une douceur et un esprit de conciliation dont tous les électeurs furent également satisfaits ; il finit par manifester avec le plus sincère dévouement son désir d’être utile à ce département et à la ville en particulier.
D’après cet exposé, Messieurs, je propose au conseil, pour répondre au désir prononcé de ses concitoyens, d’arrêter que le buste en marbre de M. le maréchal d’empire Davout sera placé dans la salle des séances du conseil municipal avec une inscription où seront relatées les dates de sa naissance et les principales actions de sa vie.
La matière mise en délibération, le conseil arrête par acclamation, à l’unanimité, ce qui suit : "Le buste en marbre de M. le maréchal d’empire Davout, sera placé dans la salle de l’Hôtel de ville, destinée aux séances du conseil municipal, avec une inscription où seront relatées les dates de sa naissance et les principales actions de sa vie".
La présente délibération sera adressée à M. le préfet, à l’effet d’en ordonner l’exécution.
M. le maire est chargé de transmettre à M. le maréchal Davout une copie de la présente délibération avec la plus pressante invitation d’agréer [3] le voeu du conseil et des citoyens de la ville d’Auxerre.
[1] Marengo : Comme on le sait, Davout n’a nullement participé à la bataille de Marengo.
[2] Collège électoral de l’Yonne : en mai 1805
[3] Dans sa réponse datée du 15 avril 1806, Davout refuse sagement cet honneur, un peu prématuré il est vrai.