04. 25ème bulletin de la Grande armée

" La confiance que Napoléon a mise dans le maréchal Davout est ici, comme toujours, pleinement justifiée " (Thiers, Histoire du Consulat et de l’Empire, 1851).

« On se prépara alors à la bataille de Wagram. Il paraît que les dispositions du général français et du général autrichien furent inverses. L’Empereur passa toute la nuit à rassembler ses forces sur son centre, où il était de sa personne, à une portée de canon de Wagram. A cet effet, le duc de Rivoli (Masséna) se porta sur la gauche d’Aderklaa, en laissant sur Aspern une seule division, qui eut ordre de se replier en cas d’événement sur l’île Lobau. Le duc d’Auerstaedt recevait l’ordre de dépasser le village de Grosshofen pour s’approcher du centre. Le général autrichien, au contraire, affaiblissait son centre pour garnir et augmenter ses extrémités, auxquelles il donnait une nouvelle étendue.

Le 6, à la pointe du jour, le prince de Ponte-Corvo (Bernadotte) occupa la gauche, ayant en seconde ligne le duc de Rivoli. Le Vice-Roi (Eugène) le liait au centre, où le corps du comte Oudinot, celui du duc de Raguse (Marmont), ceux de la garde impériale et les divisions de cuirassiers formaient sept ou huit lignes.

Le duc d’Auerstaedt marcha de la droite pour arriver au centre. L’ennemi, au contraire, mettait le corps de Bellegarde en marche sur Stadelau. Les corps de Kollowrat, de Liechtenstein et de Hiller liaient cette droite à la position de Wagram, où était le prince de Hohenzollern, et à l’extrémité de la gauche à Neusiedel, où débouchait le corps de Rosenberg pour déborder également le duc d’Auerstaedt. Le corps de Rosenberg et celui du duc d’Auerstaedt, faisant un mouvement inverse, se rencontrèrent aux premiers rayons du soleil et donnèrent le signal de la bataille.

L’Empereur se porta aussitôt sur ce point, fit renforcer le duc d’Auerstaedt par la division de cuirassiers du duc de Padoue, et fit prendre le corps de Rosenberg en flanc par une batterie de douze pièces de la division du général comte de Nansouty. En moins de trois quarts d’heure, le beau corps du duc d’Auerstaedt eut fait raison du corps de Rosenberg, le culbuta et le rejeta au delà de Neusiedel, après lui avoir fait beaucoup de mal.

Pendant ce temps, la canonnade s’engageait sur toute la ligne, et les dispositions de l’ennemi se développaient de moment en moment. Toute sa gauche se garnissait d’artillerie. On eût dit que le général autrichien ne se battait pas pour la victoire, mais qu’il n’avait en vue que le moyen d’en profiter. Cette disposition de l’ennemi paraissait si insensée que l’on craignait quelque piège, et que l’Empereur différa quelque temps avant d’ordonner les faciles dispositions qu’il avait à faire pour annuler celles de l’ennemi et les lui rendre funestes. Il ordonna au duc de Rivoli de faire une attaque sur le village qu’occupait l’ennemi, et qui pressait un peu l’extrémité du centre de l’armée. Il ordonna au duc d’Auerstaedt de tourner la position de Neusiedel et de pousser de là sur Wagram, et il fit tourner en colonnes le duc de Raguse et le général Macdonald pour enlever Wagram au moment où déboucherait le duc d’Auerstaedt.


Sur ces entrefaites, on vint prévenir que l’ennemi attaquait avec fureur le village qu’avait enlevé le duc de Rivoli, que notre gauche était débordée de 3.000 toises, qu’une vive canonnade se faisait déjà entendre à Aspern, et que l’intervalle d’Aspern à Wagram paraissait couvert d’une immense ligne d’artillerie. Il n’y eut plus à douter. L’ennemi commettait une énorme faute ; il ne s’agissait que d’en profiter. L’Empereur ordonna sur-le-champ au général Macdonald de disposer les divisions Broussier et Lamarque en colonnes d’attaque. Il les fit soutenir par la division du général Nansouty, par la garde à cheval et par une batterie de 60 pièces de la garde et de 40 pièces des différents corps. Le général comte de Lauriston, à la tête de cette batterie de 100 pièces d’artillerie, marcha au trot à l’ennemi, s’avança sans tirer jusqu’à la demi-portée du canon, et là commença un feu prodigieux qui éteignit celui de l’ennemi et porta la mort dans ses rangs. Le général Macdonald marcha alors au pas de charge. Le général de division Reille, avec la brigade de fusiliers et de tirailleurs de la garde, soutenait le général Macdonald. La garde avait fait un changement de front pour rendre cette attaque infaillible. Dans un clin d’oeil, le centre de l’ennemi perdit une lieue de terrain, sa droite épouvantée sentit le danger de la position où elle s’était placée, et rétrograda en grande hâte. Le duc de Rivoli l’attaqua alors en tête. Pendant que la déroute du centre portait la consternation et forçait les mouvements de la droite de l’ennemi, sa gauche était attaquée et débordée par le duc d’Auerstaedt, qui avait enlevé Neusiedel et qui, étant monté sur le plateau, marchait sur Wagram. La division Broussier et la division Gudin se sont couvertes de gloire.

Il n’était alors que dix heures du matin, et les hommes les moins clairvoyants voyaient que la journée était décidée et que la victoire était à nous.

A midi, le comte Oudinot marcha sur Wagram pour aider à l’attaque du duc d’Auerstaedt. Il y réussit et enleva cette importante position. Dès dix heures, l’ennemi ne se battait plus que pour sa retraite ; dès midi, elle était prononcée et se faisait en désordre ; et, beaucoup avant la nuit, l’ennemi était hors de vue. Notre gauche était placée à Iedlersee et Ebersdorf, notre centre sur Obersdorf, et la cavalerie de notre droite avait des postes jusqu’à Schoenkirchen.

Tel est le récit de la bataille de Wagram, bataille décisive et à jamais célèbre, où 3 à 400.000 hommes, douze à quinze cents pièces de canon, se battaient pour de grands intérêts sur un champ de bataille étudié, médité, fortifié par l’ennemi depuis plusieurs mois. Dix drapeaux, quarante pièces de canon, 20.000 prisonniers [1], dont 3 ou 400 officiers et bon nombre de généraux, de colonels et de majors, sont les trophées de cette victoire. »

[1] 20.000 prisonniers : chiffre très exagéré : on compte en fait 9 à 12.000 prisonniers.