11. L’analyse d’un historien allemand

Il n’est pas inintéressant de lire le point de vue de Friedrich KIRCHEISEN, historien allemand, sur la bataille d’Auerstaedt.

Le 14, lorsque la principale armée prussienne dans laquelle se trouvait aussi le roi s’ébranla en direction de Weissenfels, la division Schmettau qui marchait en tête rencontra l’ennemi à l’est d’Auerstaedt. C’était le maréchal Davout qui était arrivé le 12 octobre à Naumbourg avec 25 ou 28000 hommes. Lui, le maréchal Bernadotte et la cavalerie de Murat avaient mission de tourner l’ennemi qui, de l’avis de Napoléon, avait pris position près d’Iéna et de Weimar. Lorsque Davout, général aussi capable et aussi sévère que juste, sur lequel on aime en Allemagne à rejeter la responsabilité des ordres de son maître, reçut le 14 au matin l’injonction de se porter sur Apolda, sa division Gudin engagea avec les Prussiens commandés par Schmettau un combat qui fut le début de la bataille d’Auerstaedt si funeste à la Prusse.

Le reste des troupes des deux adversaires ne tarda pas à arriver sur le terrain. Le commandant en chef prussien fut malheureusement frappé mortellement dès le début de l’action. Lorsque la balle qui devait le tuer frappa le duc de Brunswick, la bataille se déroulait à l’avantage des Prussiens, mais la mort de son chef priva l’armée de tout commandement effectif, et Davout réussit par sa supériorité stratégique à gagner la victoire. Certes Frédéric-Guillaume III avait personnellement du courage, mais il manquait d’esprit de décision et plus encore d’expérience militaire, et il n’osa pas prendre lui-même le haut commandement. C’est à cette circonstance qu’il faut attribuer en première ligne l’échec des Prussiens. Il s’en faut que les 50.000 hommes et les 250 pièces de canon qui composaient l’armée aient été tous engagés dans l’action, alors que Davout fit donner jusqu’au dernier des hommes dont il disposait. Les Français étaient si épuisés que c’est à peine s’ils poursuivirent les Prussiens vaincus.

Il est inexact que Bernadotte ait abandonné Davout de propos délibéré. Le maréchal régla sa conduite sur les ordres de l’empereur qu’il avait reçus ; d’ailleurs, le grand quartier général ignorait totalement où il se trouvait. Le seul reproche qu’on puisse faire, c’est de n’avoir pris aucune disposition efficace pour intervenir dans l’une ou l’autre bataille bien qu’il dût entendre aussi bien la canonnade d’Auerstaedt que celle d’Iéna.

Le jour de la victoire d’Auerstaedt, Napoléon vainquit aussi à Iéna. Ici aussi, un concours de circonstances fortuites entraîna une bataille qui conjointement avec celle d’Auerstaedt décida du sort de la Prusse.

Friedrich M. KIRCHEISEN « Napoléon » traduit de l’allemand par Jean-Gabriel Guidau - Paris, Plon, 1934